Mobilité : comment lutter contre l'auto-solisme ?

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Rues congestionnées, pollution… les villes souffrent d’un nombre trop important de véhicules, souvent occupés par leur seul conducteur. Développement du covoiturage ou de l’auto-partage, incitation à l’utilisation des transports en commun, au vélo ou à la marche, différentes solutions s’offrent aux collectivités pour lutter contre ce phénomène d’auto-solisme.

 

En Ile-de-France, on compte en moyenne 1,1 personne par voiture ; un ratio entraînant "saturation des villes" et pollution. "Si on passait à 1,7, on pourrait grandement réduire la congestion à l’échelle de la région", fait valoir Christophe Najdovski, mercredi 29 novembre, dans le cadre du Forum Smart City du Grand Paris. Pour l’adjoint (EELV) à la maire de Paris chargé des transports, de la voirie, des déplacements et de l’espace public, ce phénomène d’"auto-solisme" est le résultat de politiques qui ont longtemps "fait de la voiture le modèle exclusif". Il appelle à "changer de paradigme" et à "penser la mobilité non pas comme un bien mais comme un service". Oui mais comment ? "Il faut inciter les personnes à voyager à plusieurs", estime Pierre-Olivier Desmurs, DG des mobilités et des transports chez Accenture. Selon Jean-François Codina, directeur des nouvelles mobilités chez Arval, les entreprises ont déjà fait évoluer leur flotte, et "de plus en plus, il n’y a plus une personne = un véhicule".
Mais cette piste du covoiturage, qui apparaît comme la plus évidente, ne peut fonctionner que sous certaines conditions, explique Frédérique Ville, DG de IDVroom, la filiale covoiturage de la SNCF. Notamment, il faut favoriser l’interconnexion aux transports en commun pour que le recours à ce mode de transport devienne spontané ; ainsi que le travail avec les collectivités, pour organiser de façon fluide les rencontres conducteur/passagers, via des "arrêts de covoiturage" en centre-ville, développe-t-elle. Mais "on ne remplacera jamais par du covoiturage les trajets de moins de trois kilomètres, mieux vaut favoriser la marche ou le vélo", avance-t-elle, recommandant de "segmenter les usages". Pour le chercheur Olivier Bonin (directeur adjoint du laboratoire ville-mobilité-transport à l’Ifsttar et Université Paris Est), la "dernière révolution dans le domaine de la mobilité est le smartphone", qui a permis notamment l’essor de l’auto-partage. Si elle permet de réduire la taille globale du parc automobile, cette solution ne résout pas tout dans les villes, car "il faut bien garer les voitures quelque part", relève-t-il.
Aux côtés de l’auto-partage, les transports en commun et le vélo doivent donc être encouragés. "En France, 40 % des déplacements motorisés en agglomération font moins de trois kilomètres. L’enjeu est de travailler sur le report modal : l’aire de la mobilité combinée doit succéder à celle de l’auto-solisme", estime Christophe Najdovski, rappelant le rôle de la collectivité dans cette affaire. Car en effet, dans certaines villes, ça marche. "Il y a plus de vélos à Strasbourg parce qu’on s’y est pris plus tôt…", admet l’élu. "Grenoble a commencé il y a 40 ans", abonde Pierre-Olivier Desmurs, citant aussi Copenhague, qui mène "une politique de stationnement très dissuasive". "Il n’y a pas de miracle, il faut une volonté politique continue".

Gratuité des TC, la solution ?

Pour certains élus, le salut passe par la promotion des transports en commun, voire leur gratuité totale. Ainsi, le maire de Dunkerque, Patrice Vergriete, s’est-il lancé dans cette démarche. Depuis 2015, les bus y sont gratuits le week-end, et en 2018 la gratuité sera totale toute la semaine. Une mesure estimée à 4,5 M€, financée par des "arbitrages sur le fonctionnement", qui aura permis de "remettre les transports en commun dans la tête des gens", explique le maire, avançant également les enjeux sociaux - "on a augmenté la mobilité, notamment des défavorisés" - et économiques - "cela redonne du pouvoir d’achat".
Selon Claude Faucher, délégué général de l’Union des transports publics et ferroviaires (UTP), résolument opposée à la gratuité totale, "les transports publics sont par essence un service de mobilité. Comme les autres, ils doivent être financés. La gratuité n’existe pas ! Quelqu’un paie le coût du service, si ce n’est pas l’utilisateur, c’est le contribuable", revendique le délégué général, soulignant que personne ne "fait de promotion pour la gratuité de l’eau ou du ramassage des ordures ménagères". Autre argument avancé par l’UTP (rejointe sur ce sujet par la Fnaut), "la gratuité amène des usagers piétons et cyclistes à monter dans les bus, mais n’incite pas les utilisateurs de voitures à y renoncer", et ce, même si utiliser les transports publics est aujourd’hui moins cher que de recourir à une voiture individuelle. Selon lui, c’est la hausse du niveau de service des TC qui attirera les automobilistes.
Il faut "augmenter très nettement le coût d’usage de la voiture", recommande Cécile Maisonneuve. Or, grâce aux multiples innovations, il est en baisse, souligne la présidente de La Fabrique de la cité. "Il va flirter avec le coût du transport public", poursuit-elle, y voyant "un énorme problème à régler".

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