L'Institut Palladio organisait le 30 mai au Pavillon de l’Arsenal un débat sur "le Grand Paris face aux défis de l’hébergement et de l’inclusion". La rencontre était programmée depuis plusieurs mois, mais, hasard du calendrier, c’est le matin même qu’était démantelé le camp de migrants du Millénaire, dans le nord de la capitale. Un sujet brûlant, donc, aussi compliqué qu’affreusement simple : des personnes dorment dans la rue dans des conditions épouvantables, certains en meurent, tous en souffrent. Y compris les riverains et les passants, confrontés jour après jour à cette misère, et qui finissent par s’y "habituer".
Parmi les intervenants, Pierre Coppey, directeur général adjoint du groupe Vinci mais aussi président de l’association Aurore, et Alain Régnier, préfet et délégué interministériel chargé de l’accueil et de l’intégration des réfugiés depuis janvier 2018, et président de l’association Solidarités nouvelles pour le logement.
Le nombre de sans-abri a augmenté de 40 % depuis le début des années 2000. Pourtant, dans le Grand Paris, on compte 114 000 places d’hébergement d’urgence. Treize communes regroupent à elles seules 60 % de ces places (37 769 places à Paris, 12 550 à Plaine Commune, 8 940 à Est Ensemble...). Rappelons que la loi prévoit qu'au 1er janvier 2019, la Métropole du Grand Paris exerce de plein droit, en lieu et place de ses communes membres, le volet opérationnel de la politique de l’habitat ; pour ce faire, le Plan métropolitain de l’habitat de l’hébergement (PMHH) vise "une programmation pluriannuelle de réalisation et de rénovation des places d’accueil et de services associés pour les personnes sans domicile fixe et les populations les plus fragilisées". L’occasion de répartir plus équitablement et plus harmonieusement les seize places pour 1 000 habitants que compte la Métropole (la loi exige au moins 1 place pour 1 000 habitants). Les trois intervenants ont donc fait quelques propositions.
La crise, c'est le logement, le problème, c'est l'Etat
Car des solutions existent. Pour Pierre Coppey, "le sujet c’est la crise du logement, pas les migrants" [leur accueil étant essentiellement lié à des questions administratives et notamment à celle, européenne, des 'dublinés', ndlr]. La question des migrants est "hystérisée". Mais l’hébergement d’urgence aujourd’hui en région parisienne, c’est d’abord la pauvreté et le manque de logements adaptés. Si la chaîne du parcours résidentiel est bloquée, c’est parce qu’on ne construit pas assez de logements bon marché et que les durées de séjour dans les centres d’hébergement d’urgence se prolongent. Il n’y a pas de débouché pour les personnes. "Pourtant, si l’on multiplie le coût d’une nuitée d’hébergement d’urgence (42 €) par 365 jours, on aurait les moyens de financer du logement. Aujourd’hui, on est dans l’expédient". L’association Aurore a été précurseur dans l’usage de bâtiments intercalaires, ces immeubles privés ou publics en instance de procédure et/ou d’aménagement qui peuvent être confiés à des associations pendant un temps donné pour accueillir des sans-abri. Ce qui s’est passé de 2012 à 2016, rue Saint-Pétersbourg à Paris, dans un immeuble resté vide après le départ de l’INPI. Plus, récemment Axa a ainsi confié un immeuble à l’association. "En la matière, Aurore est plus convaincant que le DAL et que les opérations de squat", affirme-t-il : "il faudrait que l'Etat nous considère comme un partenaire au lieu de nous serrer la vis en promettant de faire bientôt baisser le prix de la nuit d’hébergement à 25 €. Si on travaillait à budget constant, si l’on pouvait contractualiser pour permettre aux associations d’avoir une visibilité dans le temps, on trouverait des solutions pérennes".
De son côté, le préfet Alain Régnier (qui ne s’exprimait pas ici au nom de l’Etat) a souligné la nécessité de "sortir de l’incantation et de passer à une stratégie nationale du 'logement d’abord'". En observant mieux l’existant et en réfléchissant à la structure du parc de logement et à la vacance, notamment. L’association qu’il préside gère des logements pour des propriétaires privés et les loue à des familles ou personnes seules à titre temporaire, le temps de retrouver une stabilité (deux à quatre ans en moyenne). Alain Régnier préconise ainsi de "permettre à des opérateurs sociaux d’acheter du logement dans le parc diffus, en collaboration avec les communes, afin de créer des copropriétés où les maires pourraient loger des personnes inscrites sur liste d’attente de logement social".
En la matière, toutes les idées sont bonnes à prendre…